JASSES : "La lecture forge l'esprit"

22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 14:11

L'enclume a disparu depuis plus d'un demi siècle. Elle est revenue au premier plan de la fresque en trompe l'oeil qui, désormais, décore la façade de l'ancienne forge transformée par la municipalité de Jasses en bibliothèque.

L'artiste landaise Anne Larose qui excelle dans les décors de façades, a donné de la couleur en reproduisant un paysage de pâturage d'estive dans les Pyrénées. On y voit un hommage à Grat et Etienne les deux bergers qui, chaque été, amenaient leurs troupeaux de brebis en transhumance dans la vallée d'Aspe. Le petit chien d'Anne-Marie qui a offert cette ancienne forge à la commune, figure sur l'un des côtés du petit bâtiment. Il monte la garde au pied du mur en pierres du gave minutieusement dessinées et qui font aussi vrai que nature. Le gave, majestueux, et les blondes d'Aquitaine dans la prairie, témoignent également de l'identité du village.

Stevens a, très artistiquement et habilement, aménagé l'intérieur avec un stock de palettes transformées en étagères pour accueillir la bibliothèque et qui, tout en haut, ont été taillées pour mettre à l'honneur les principaux sommets de nos chères Pyrénées.

Le premier voisin, l'abbé Jean Casanave, à la retraite (active) dans sa maison familiale Bartaloumè, a signé un billet dans la Gazette du Béarn des gaves et également dans sa page facebook (Jan de Bartaloumé) (1), pour évoquer quelques précieux souvenirs de l'ancien temps, celui du tintement du marteau qui battait le fer sur l'enclume et "du concert de bêlements, de cloches et de bidons de lait tintinnabulant qui accompagnait le rituel laitier". Voici, ci-dessous, le texte rédigé par Jean Casanave, alias Jan dé Bartaloumè, et qui a battu un record de visites et de partages sur les réseaux sociaux.

J.S.

(1) Jean Casanave (Jan dé Bartaloumè) vient d'achever sa trilogie aux éditions Médiaspaul. Après "Le roman inachevé du boeuf de la crêche" (2020), "Ces incroyables croyants" (2022), voici que va sortir le 1er juin prochain "L'âne se jette à l'eau". Ce dernier livre dont la couverture est illustrée d'une aquarelle représentant l'âne... en cure à Salies, met en scène un bourricot chroniqueur, compagnon du boeuf dans l'étable de Bethléem, témoin de siècles d'histoire de l'humanité en quête de sens et de spiritualité.

La boîte à livres 

Les impatients du volant ralentissent ; ceux qui maudissaient les courbes de ce village tortueux leur trouvent un certain charme ; même les motards, qui lâchaient leurs chevaux à cet endroit, prennent le temps d’un coup d’œil. 

Une splendide fresque pastorale orne désormais les murs de la vieille forge qui fonctionnait encore au début du siècle précédent. Nos fières montagnes surplombent un paysage verdoyant, abritent la cabane du berger, ses brebis et son chien. 

Si ce personnage pouvait parler, il vous relaterait la vie de Grat et d’Etienne qui revenaient chaque automne de leurs hauts pâturages et celle de François, le dernier maître de la forge. 

Grat, le silencieux, une besace sur l’épaule parquait tous les soirs son troupeau dans un enclos voisin pour la traite du soir. Et si vous prêtez bien l’oreille, vous pourrez encore entendre le concert de bêlements, de cloches et de bidons de lait tintinnabulant qui accompagnait ce rituel laitier. 
Aujourd’hui, les rosiers de sa petite fille, elle-même bergère, profitent de la vieille fumure.

Il vous ferait certainement partager la bonne humeur d’Etienne en vous relatant les péripéties de la traversée d’Oloron par ses brebis qui, se mirant dans les devantures des magasins de la ville et croyant avoir à faire à un troupeau concurrent, se préparaient au combat en fonçant dans les vitrines. Des black blocs avant l’heure !

Enfin, il ne manquerait pas de vous camper la silhouette chaloupée de François, qui après une tournée dominicale dans un village voisin qui comptait quelques vignerons, réveillait ses souvenirs vaporeux et entamait le récit de sa grande guerre ainsi : « Quand j’étais Maréchal, à Crève Cœur sur Oise » ! Traduisez : « Quand j’étais maréchal ferrant… » L’ennemi n’avait qu’à bien se tenir !

Les trois compères seraient fort étonnés de savoir que l’artiste qui a créé cette œuvre venait des Landes voisines connues pour les bergers montés sur échasses et que cette nouvelle boite à livres reflétait la diversité démographique désormais inscrite de nos campagnes. 

Outre l’ancienne propriétaire qui a cédé le bâtiment et la municipalité qui a conçu et suivi ce projet et qu’il faut remercier, il convient de mentionner que c’est un anglais, un allemand et une nouvelle résidante qui ont prêté leurs talents à sa réalisation. 

Jasses, terre d’accueil ! Et gageons que les brebis et les vaches du village auront droit à une indulgence plénière quand elles malmèneront notre impatience.

Jean Casanave