Maurice Sarrat a quitté ce monde à l'âge de 90 ans.
Une belle page de la vie commerçante et artistique de Navarrenx se tourne.
En parallèle d'une carrière à la tête du magasin de chaussures Dufils, une institution à Navarrenx, où il avait succédé à son père, Maurice Sarrat s'est épanoui dans le domaine artistique en pratiquant, avec passion, une activité de musicien et de chef de chorale.
Au début des années 60 il lança l'orchestre Mélody Jazz qui s'appela par la suite Philippe Ecaud. Maurice était à l'accordéon, André Aurisset au saxo, Bernard Aguerre à la batterie, et un jeune de 18 ans, Pierre Hargoues, à la guitare et chant... Le groupe connut d'emblée le succès et se développa, monta à huit éléments, écuma les bals des fêtes de villages de l'ouest du Béarn et des cantons basques limitrophes. Pierre Hargoues se souvient : "Maurice avait un don inné pour la musique. C'était aussi un précurseur, il fut le premier dans la région a révolutionner la sono de l'orchestre, abandonnant les gros hauts parleurs métalliques pour la chambre d'écho qui faisait son effet dans les bals. C'était une découverte pour le public. Il se dota également d'un piano électrique puis d'un orgue électronique ce qui fut novateur...Nous étions l'orchestre à la mode !".
Maurice Sarrat se distingua aussi dans la direction du chant choral au sein du groupe Le Choeur Saint- Germain, de 1979 à 2010, puis il se consacra plus spécialement à l'animation de la chorale paroissiale. Mais sa passion pour la musique ne le quitta jamais, il continua ces dernières années à faire vibrer l'orgue de l'église Saint Germain avec un éloquent succès.
L'abbé Jean Casanave, à la fin de son homélie (lire ci dessous) invita la nombreuse assistance (l'église était pleine) à entonner en choeur deux couplets d'hommage à Maurice, en reprenant, avec une impressionnante ferveur, la célèbre chanson de Gilbert Bécaud : "Quand il est mort le poète" transformée en "Quand il est mort l'organiste". Ce fut très beau et très émouvant.
J.S.
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Maurice Sarrat au clavier de l'orgue de l'église Saint Germain ; photo prise en avril 2022
L'homélie de l'abbé Jean Casanave
« Restez en tenue de service »
Nous sommes encore quelques anciens, ici, à nous souvenir de l’époque où la maison Dufils était une véritable institution à Navarrenx, avec son hôtel restaurant et son magasin de chaussures.
Je revois encore le père de Maurice, juché sur un escabeau en équilibre périlleux, « attrapant » les boîtes de sabots, de galoches et de chaussures, car tout le monde « trouvait chaussure à son pied » chez Dufils.
La tenue de service à cette époque là n’avait rien de fantaisiste ou de tape à l’œil: un simple tablier bleu foncé ou gris anthracite faisait l’affaire. Ainsi le commerçant se confondait avec sa boutique souvent mal éclairée.
Très jeune Maurice avait su ouvrir les fenêtres de son horizon un peu étroit en entrant dans le royaume de la musique. Avec son accordéon et quelques amis, il fonda un orchestre. L’accordéon se transformera en piano et le piano monta sur le perchoir de l’orgue, sommet de sa carrière musicale !
Mais nous n’oublions pas que pendant des années et des années avec une fidélité sans faille et bien secondé par Marie Françoise, il a dirigé la chorale paroissiale. Perfectionniste et pointilleux dans les répétitions, il restait très sobre dans la direction des cantiques de l’assemblée. Avec lui, jamais de grandes envolées tonitruantes. Pourquoi cette sorte d’effacement ?
Parce qu’il avait compris qu’une chorale n’était pas là pour donner un concert mais pour entraîner la prière de chacun. De même l’orgue n’était pas fait pour écraser de sa puissance mais pour « accompagner ». Accompagner la prière et susciter la plus belle musique qui soit : le silence d’un cœur qui écoute son Seigneur. Ce qui n’empêchait pas de le laisser parfois résonner en grands éclats de joie !
S’il restait effacé et sobre dans ses gestes, c’est qu’il avait compris que la liturgie n’est pas une relation à deux mais à trois. Elle doit toujours laisser la première place au grand Absent- totalement- Présent- à la fois, le seul prêtre, le seul célébrant qu’est le Christ et dont l’autel est le signe le plus éminent. C’est pourquoi rien ni personne ne doit occulter l’autel. Il doit rester le point de convergence de toute célébration ? Toutes celles et ceux qui interviennent dans une célébration devraient avoir comme premier devoir celui de se faire oublier !
Tout acteur du célébrant à l’enfant de chœur en passant par les chanteurs et les musiciens, tout acteur reste avant tout un servant de messe, servant/serviteur. Servant de l’unique et éternelle messe que célèbre le Christ ressuscité et que nos messes actualisent et rendent présente. Je crois que Maurice est resté toute sa vie un servant de messe, combien efficace et discret même si, parfois, il ne pouvait pas cacher ses déceptions et ses colères rentrées.
Quand Marie Françoise m’a appris son décès, je ne sais pourquoi, une chanson de Gilbert Bécaud s’est imposée à ma mémoire : « Quand il est mort le poète ».
Et il suffit de transformer le poète en organiste pour que cela donne à peu près ceci : « Quand il est mort l’organiste…tous ses amis pleuraient. Quand il est mort l’organiste…tous ses amis priaient ! » Voulez-vous que nous essayons de la chanter pour qu’il la porte en souvenir de son long service dont nous avons tous bénéficié…..
Maurice Sarrat, a été jusqu'au bout, fidèle à l'orgue de l'église Saint Germain
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Quelques réactions piochées dans Facebook
Axel Casadesus, organiste, compositeur et professeur de musique, retiré à Audaux :
"Je voulais absolument aller jouer quelque chose pour mon ami Maurice durant cette cérémonie mais mon état de santé m'en a empêché. Heureusement, mon ami Alain Naharberrouet est venu de Mauléon accompagner la messe. J'étais rassuré que Maurice puisse entendre son orgue une dernière fois. Toutes mes condoléances à Marie-Françoise."
Sylvie Lacamoire : "Et ce refrain repris "a capella" par une assemblée reconnaissance fut à la fois poignant et magnifique"
Gilbert Bialas : "Très attristé par le décès de Mr Maurice Sarrat nous adressons à son épouse Marie Françoise, sa soeur Hélène et tout les membres de sa famille nos très sincères et respectueuses condoléances. Mr Maurice Sarrat ne sera jamais oublié"
Marcel et Marcelle Barbera : "Toute nos condoléances à Françoise pour notre cher Maurice très touché de son départ pour sa dernière demeure grosses bises à toute la famille " "
Jean-Claude Hillaire-marcel : "Condoléances attristées à toute la famille et proches"
Mamie Héguiaphal : "Condoléances à Françoise. Maurice était une très belle personne"
Anonyme : "Cérémonie religieuse simple mais intense avec la chorale renforcée, l'orgue, les paroles du prêtre qui a su trouver les mots et qui nous a fait tous chanter : "Quand il est mort l'organiste, tous ses amis pleuraient ; quand il est mort l'organiste, tous ses amis priaient...", ce fut d'une grande intensité émotionnelle, d'une immense ferveur, un moment très fort qui va rester gravé dans nos mémoires ! Merci monsieur l'abbé."
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C'était en septembre de l'année dernière, à l'occasion de la messe d'installation de l'abbé Paul-Marie Boutin, curé des paroisses de Navarrenx-Sauveterre : Maurice à la direction de la chorale (et Axel à l'orgue)