Le propriétaire de l'immeuble de la place des casernes a récupéré les clés. Le conflit judiciaire qui l'opposait à manufacture du cigare qui avait fermé ses portes en août 2020 a été, après maintes péripéties, tranché par le tribunal.
Le locataire a donc libéré les lieux et l'historique bâtiment de la place des Casernes vient d'être mis en vente. Le groupe Mercure, spécialisé dans l'immobilier de prestige, a la charge de trouver un acquéreur. Prix demandé 445 000 €.
L'agence présente cet emblématique immeuble, qui est une ancienne caserne de la cité fortifiée, sous l'éclairage "d'un hôtel particulier, situé au coeur de la bastide, sur la route de Compostelle, à Navarrenx où Isaac de Portau dit Porthos, célèbre mousquetaire du roi a achevé sa carrière militaire". Certains y verront, peut-être un clin d'oeil au dossier de "centre muséographique des Mousquetaires" qui dort, quelque part, dans un tiroir.
Le groupe Mercure qualifie, à juste raison, cet immeuble de "bien très rare" : "D'une superficie de 900 m2 ce bâtiment offre de nombreuses opportunités d'aménagements pour investisseur particulier ou professionnel : commerce, appartements, etc... Il comprend 2 plateaux, une cour intérieure et un local de rapport de 130 m2 loué à l'Office de tourisme du Béarn des gaves".
Ajoutons que la façade, à l'angle de la rue principale et de la place des Casernes, devant la terrasse de l'Hôtel du Commerce, est longue d'une cinquantaine de mètres.
On comprendra qu'à Navarrenx on attend avec beaucoup d'intérêt de voir qu'elle sera la destination de ce cet immeuble. Avec l'espoir qu'une activité économique et touristique puisse prendre le relais pour renforcer l'attractivité de la cité dont le label "Plus Beaux Villages de France" vient d'être renouvelé.
J.S.
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ARTICLE PARU DANS SUD-OUEST le 22 août 2020
Implantée depuis 1999 dans la cité médiévale, Hedon Cigares est sous le coup d’un décret d’expulsion.
Les cigares de Navarrenx ont accueilli leurs derniers visiteurs le vendredi 20 août.
Après une vingtaine d’années d’existence, l’entreprise ferme les portes de son site de la cité médiévale. Les employés rangent le matériel dans les cartons, l’un d’entre eux se saisit d’un marteau pour enlever le panneau sur la devanture qui signifiait leur présence. Du côté des Navarrais, cette fin est amère. Sur la place des Casernes, c’est la tristesse et la rancœur qui prennent le pas.
L’entreprise siglée Hedon Cigares plie bagage. Elle est touchée par un décret d’expulsion, promulgué le 8 juillet dernier. Le propriétaire du bâtiment est Alexandre Frontère. Il est le fils de l’ancien propriétaire de l’entreprise, Thierry Frontère, décédé en 2016. Au téléphone, il relate des relations conflictuelles avec l’actuel dirigeant, Renato Angiolillo. Alexandre Frontère a décidé de l’attaquer en justice. « Il y a de nombreux loyers impayés », confie une source proche du dossier. Une seconde procédure judiciaire est en cours, initiée cette fois par Renato Angiolillo. Il accuse le propriétaire de l’immeuble de ne pas entretenir le bâtiment.
« Les deux premiers jugements ont été rendus en ma faveur », assure Alexandre Frontère. Mais le patron d’Hedon Cigares a fait appel.
Emplois menacés
Renato Angiolillo est un homme d’affaires italien, arrivé dans la région il y a sept ans. Il avait noué une relation forte avec l’ancien dirigeant de l’entreprise, Thierry Frontère. Au moment du décès de ce dernier, il reprit les rênes de l’entreprise. Le cigare de Navarrenx est alors connu internationalement et Thierry Frontère, avant sa disparition, était invité régulièrement sur des salons à l’étranger pour présenter ce produit unique, le cigare béarnais fabriqué à Navarrenx.
En 2016, la reprise de l’entreprise engendre d’importants changements. Christophe Congues, agriculteur à Moumour et actuel dirigeant d’Euralis, produit le tabac qui est utilisé dans les locaux de l’établissement pour rouler les cigares. Mais, dès 2017, il ne souhaite plus travailler avec Renato Angiolillo, pour des raisons financières. Il poursuit, lui aussi, en justice l’homme d’affaires italien. « Dans le coin, une parole vaut un écrit », explique-t-il au bout du fil. Il ne souhaite pas s’étaler et préfère laisser la procédure suivre son cours.
Renato Angiolillo affirme qu’il va pérenniser un centre d’activités en lien avec les cigares, proche de Navarrenx pour les employés ne désirant pas partir avec lui. Il ne veut pas donner le lieu de son prochain emplacement et n’exclut pas la possibilité de quitter la France. L’entreprise Hedon Cigares est actionnaire d’une autre compagnie, Luxury Legends SAGL. Celle-ci est enregistrée en Suisse. Renato Angiolillo assure que Hedon Cigares est implantée dans deux autres pays européens.
« Opacité fabuleuse »
Une autre affaire judiciaire vient s’ajouter à ces poursuites. Chrystelle Hébert, responsable de la manufacture de juin 2016 à juillet 2019, poursuit Renato Angiolillo au conseil des prud’hommes. Cette dernière conteste un licenciement pour raisons économiques. Dans les rues de Navarrenx, les rumeurs vont bon train sur l’emblématique boutique de cigares. « On s’acharne contre moi », se défend Renato Angiolillo. Il confie qu’il souhaitait partir depuis plusieurs années et que le déménagement actuel était prévu avant le décret d’expulsion.
Difficile de savoir qui détient la vérité dans cette histoire. « C’est d’une opacité fabuleuse », souffle une autre source proche du dossier.
Jérôme Recapet, propriétaire du tabac/journaux installé juste en face de l’atelier de cigares reste perplexe. « Je n’ai plus de rapport avec eux depuis la reprise, explique-t-il. C’est un produit unique en France qui disparaît. » Un épilogue qui laisse les Navarrais orphelins d’une entreprise qui était reconnue à l’international. La mairie dit « regretter le départ d’une telle compagnie » pour le patrimoine local.
« La fin d’une belle aventure »
Fondée en 1999, l’entreprise autrefois dénommée les cigares de Navarre, installée à Navarrenx, a vu le jour grâce à l’idée folle (et géniale) de Noël Labourdette. Il a été rejoint par Christophe Congues, agriculteur de la région, pour produire les plants de tabac.
Dans les locaux, des rouleuses cubaines utilisent des méthodes traditionnelles pour proposer un produit d’exception.
Noël Labourdette fut contraint à déposer le bilan. Thierry Frontère, passionné de cigares, décida de racheter l’entreprise, placée en redressement puis en liquidation judiciaire en 2009. 600 000 euros étaient nécessaires pour relancer l’activité d’où sortaient jusqu’à 200 000 pièces par an. Fort de ses expériences dans de grandes entreprises, l’entrepreneur apportait la rigueur qui manquait. Dans son petit local, la manufacture s’imposa rapidement sur le marché mondial. Elle se développa et gagna en notoriété. « Avant la reprise en 2016, je vendais autant de cigares que de Marlboro », attestait Jérôme Recapet, patron du tabac de Navarrenx.
En 2016, l’entreprise passa aux mains de Renato Agiolillo. Elle va quitter Navarrenx dans quelques jours. « C’est la fin d’une belle aventure, d'une belle vitrine pour le Béarn et pour Navarrenx », regrette-t-on. Le nouveau dirigeant n’a pas encore annoncé le lieu où il doit s’installer. Il n’est pas sûr qu’il reste dans l'Hexagone.
Thierry Frontère en quelques dates :
Issu d'une famille d'imprimeurs de Salies de Béarn.
Né en 1943, décédé en 2016
En 1963, "à nous deux Paris !" : il entame, dans la capitale, une carrière professionnelle comme commercial puis comme responsable marketing dans la grande distribution.
1973 : Il créé OPTION MARKETING, entreprise de conseil en développement commercial qui deviendra un groupe de presse dédié à l'univers du marketing/commercial autour d' Editialis : 10 titres dont Action Commerciale, Marketing Magazine, Chef d'entreprise Magazine... avec 100 collaborateurs, 12 millions d'Euros de chiffre d'affaires.
1986-1992 : Président de la Fédération des dirigeants commerciaux de France
2004 : Il créé le domaine viticole haut de gamme "Villa Bys" à Oraàs (près de Sauveterre-de-Béarn), 5 hectares, 25 000 bouteilles
2009 : Il cède la majorité d'Editialis pour retrouver son cher Béarn, ses vignes... et "lever le pied". Mais... raté ! En 2010 sollicité et encouragé par les élus locaux, notamment le conseiller général Jacques Pédehontaà, il reprend l'activité des cigares Navarre, manufacture qui avait été mise en liquidation quelques mois plus tôt.
Navarrenx retrouvera-t-il un autre Thierry Frontère pour faire vivre cet emblématique bâtiment de la place des casernes ?