Le 22 octobre 1940, 6 500 juifs du pays de Bade et de Sarre-Palatinat étaient embarqués dans des trains qui les amenèrent dans le fin fond de la France pour être internés au camp de Gurs, dans d'horribles conditions.

Tous les ans, en octobre, une délégation allemande vient participer à une cérémonie commémorative.

Dimanche dernier, pour marquer les 85 ans, ils étaient 120 à faire le déplacement, parmi lesquels  une ministre, une vingtaine de maires, la consule d'Allemagne à Bordeaux,  35 étudiants, des représentants des diverses communautés religieuses (juive, catholique, protestante).

Le maire de Gurs, Christian Puharré, présida ce rassemblement. Dans son mot d'accueil il insista sur l'importance du devoir de mémoire en cette période de conflits et d'incertitudes, et sur la nécessité de sensibiliser les nouvelles générations pour qu'elles soient à leur tour des passeurs de mémoire.

Côté Français, nous avons noté la présence de Denise Saint-Pé, sénatrice, des maires de Dognen, Préchacq-Josbaig, Castetnau-Camblong et Angous, le commandant de la compagnie de gendarmerie d'Orthez. Egalement des représentants de l'Amicale du Camp de Gurs. Les membres du comité de jumelage de Navarrenx, venus nombreux autour de leur président Philippe Castay, étaient reconnaissables à leurs foulards aux couleurs de l'association.

Après la cérémonie, une amicale réception avec échanges de cadeaux était organisée au Foyer du village.

Stefanie Zeidler, consule générale d'Allemagne à Bordeaux :

"Comme chaque année, nous nous retrouvons ici, en ce lieu qui réunit tant de choses à la fois : la douleur et la honte, la mémoire et la responsabilité, mais aussi l'espérance et l'encouragement. Gurs n'est pas seulement un lieu du passé. C'est un épreuve pour notre présent et une question adressée à notre avenir (...)

"L'histoire de Gurs relie Allemands et Français à travers la mémoire des victimes, mais aussi à travers ce qui est né : la réconciliation, la coopération, l'amitié. Dans le sud-ouest de la France, cette amitié se vit concrètement par les jumelages, les projets scolaires, les rencontres de jeunes, par le soin partagé de ce lieu de mémoire. C'est l'Europe vécue, l'Europe de la responsabilité et du respect.

"Notre responsabilité franco-allemande est de faire vivre ensemble cette culture du souvenir, de la protéger contre les instrumentalisations et de la renouveler sans cesse. La mémoire ne doit pas diviser mais rassembler autour de cette conviction : "la dignité de l'être humain est inaliénable partout, toujours."

Dr Frank Mentrup, maire de la ville de Karlsruhe, porte-parole de la communauté de travail pour l'entretien du cimetière des déportés :

"Il y a 85 ans, plus de 6 500 personnes du pays de Bade et de la Sarre-Palatinat de l'époque ont été enlevées à leur foyer et emmenées à la gare pour être embarquées, tard dans la soirée, dans des trains qui les transporteront à l'autre bout de la France. Simplement parce qu'elles étaient juives.  Trois nuits et deux jours plus tard, elles devaient descendre à la gare d'Oloron-Sainte-Marie, à la lisière Nord des Pyrénées, et être emmenées jusqu'au camp de Gurs. Là elles ont dû endurer des conditions de vie effroyables, inhumaines. Parmi ces déportés, plus de 1 000 sont morts de maladie et de faim dans les mois qui ont suivi. Quelques-uns ont toutefois réussi à émigrer ou à être libérés, mais la plupart ont plus tard été déportés vers Auschwiz où la mort les attendaient (...)

"La responsabilité de la Shoah fait aujourd'hui partie intégrante de l'identité allemande : "La dignité de l'être humain est inaliénable". Telle est la première phrase de l'article premier de la constitution allemande, qui répond à l'expérience de la dictature nazie. C'est un engagement impératif envers l'humanité. C'est aussi la raison pour laquelle une culture du souvenir comme celle que nous entretenons depuis maintenant plusieurs décennies dans notre pays, et en particuliers dans notre ville, est indispensable. La connaissance de la stigmatisation, de la privation des droits et enfin de l'extermination de toute une population, qui ont eu lieu dans le passé doit être pour nous un garde-fou qui guide notre conduite. Nous savons à quelle vitesse quelques voix isolées peuvent se transformer en un choeur prêchant l'exclusion et la haine." (...)

"Le destin des déportés de Gurs continue de sonner pour nous comme un avertissement et de nous dicter notre devoir."

Christine Steichert-Clivot, ministre de l'éducation et de la culture de la Sarre, représentant Theresa Schopper, ministre de la culture, de la jeunesse et des sports du land de Bade-Wurtemberg,  et porte-parole pour les länder du Bade-Wurtemberg, de la Rhénanie-Palatinat et de la Sarre :

"Gurs est synonyme d'un rigoureux travail de mémoire effectué sur ces évènements qui se sont déroulés entre 1940 et 1945. Ce qui a vu naître une culture du souvenir inédite et intense, mais aussi une amitié et une compréhension européennes, telles qu'elles s'expriment ici aujourd'hui. Allemands et Français, côte à côte, commémorent ensemble la mémoire et s'engagent à faire tout ce qu'il faudra pour que jamais plus une injustice aussi terrible ne se reproduise sur le sol européen".

Lucie Scherer et  Nina Kouamé, élèves de l'école catholique de pédagogie sociale "Agneshaus" de Karlsruhe :

"Cette commémoration fait partie intégrante de notre travail de mémoire envers les victimes de ce meurtre de masse raciste commis par l'Allemagne nazie.

"Dans notre école, ces destinées brisées continuent d'émouvoir les générations d'élèves. C'est pourquoi nous continuons de nous souvenir et d'en tirer des enseignements".

Rami Suliman, président du Consistoire des Israélites de Bade :

"La communauté de travail et les länder s'engagent, à nos côtés, pour la préservation et l'entretien des tombes. Des amitiés franco-allemandes sont nées. Il y a quelques jours le Consistoire des israélites de Bade a décerné sa médaille du mérite à la communauté de travail. Nous sommes reconnaissants du partenariat de confiance qui s'est établi. Car de la mémoire naît l'avenir. C'est l'indifférence, l'oubli et le déni, qui empêchent tout avenir".

Denise Saint-Pé, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques :

"Ce camp de Gurs incarne le pire de l'humanité, mais même un lieu aussi sombre vit des élans d'humanité qui doivent être rappelés avec la même force que les atrocités commises. Nous pensons aussi aux services d'entraide organisés par les internés, au courage d'hommes et de femmes, comme Elsbeth Kasser, qui ont tenté d'apporter aux détenus réconfort et dignité.
Commémorer Gurs, c'est rappeler une grande blessure française, mais aussi une leçon universelle : les dangers que sont la haine, l'antisémitisme et le racisme, mais aussi l'oubli. Car la guerre refait rage sur notre continent, et des discours de haine ressurgissent avec leur cortège de violences antisémites. Nous devons, collectivement, répondre avec fermeté  et rappeler que la paix et la fraternité sont des valeurs fragiles à défendre chaque jour.

"Le devoir de mémoire n'est pas une option, c'est une obligation républicaine.

"Ce devoir nous devons le transmettre aux jeunes générations en leur expliquant ce qu'a été cet endroit afin qu'à leur tour ils entretiennent la flamme du souvenir". 

La sénatrice salua tous ceux qui font vivre ce lieu de mémoire : le maire de Gurs et son conseil municipal, mais aussi le Pays de Béarn et le département, ainsi que les associations parmi lesquelles figure au premier rang l'amicale du Camp de Gurs.

Elle exprima "une gratitude particulière aux partenaire et amis Allemands"  :  "Depuis 1963, cinq villes badoises (Karlsruhe, Mannheim, Freiburg, Heidelberg et Pforzheim) ont pris la décision de financer et d'entretenir ce cimetière, bientôt rejointes par d'autres villes comme Constance, Weinheim, Emmendingen, Lörrach, Offenbourg, Bruchsal, Baden-Baden, Bülh, Rastatt, Kuppenheim, Bretten, Lahr, et la communauté de communes du Palatinat. Leur engagement, aux côtés du Consistoire des Israélites de Bade témoigne d'une volonté commune de regarder ensemble le passé et d'assumer ensemble la responsabilité de l'avenir".

"A Gurs, nous percevons ce que l'histoire a de plus terrible, mais aussi ce qu'elle a de plus fort : la capacité des peuples à transformer un lieu de division en symbole de paix".

Le Kaddisch et El Male Rachamin, prières interprétées par le rabbin Moshe Flomenmann, du consistoire des Israélites  de Bade, et le rabbin Mendy Matusof, de la synagogue de Pau

Die Delegation aus Karlsruhe (von links): Christine Meyer (Agneshaus), Stadtrat Tobias Bunk-Merkel, Lucie Scherer (Agneshaus), Stadträtin Sonja Döring, Katrin Dort (Leiterin Stadtarchiv), Stadträtin Susanne Heynen, Stadtrat Raphael Fechler, N’da Adjoua Nina Kouamé (Agneshaus), Stadtrat Kiên Nguyen, Erik Balter (Vorsitzender der Jüdischen Kultusgemeinde), Stadtrat Gerhard Lenz, Oberbürgermeister Frank Mentrup. Foto: Stadt Karlsruhe/Presse- und Informationsamt

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La presse allemande en parle

https://www.swr.de/swraktuell/baden-wuerttemberg/karlsruhe/85-jahre-lager-gurs-erinnerung-einer-ueberlebenden-100.html

https://www.karlsruhe.de/stadt-rathaus/aktuelles/meldungen/deportation-nach-gurs-erinnerung-als-auftrag

... d'autres liens à venir au fur et à mesure des publications