Au chevet du saumon pour le sauver de disparition
De gauche à droite, Pierre Bergès, président de l'AAPPMA gave d'Oloron, Pierre Bernard, secrétaire général, de Salmo Tierra-Salva Tierra, Antoine Domenech, président de Salmo Tierra-Salva Tierra
Salmo Tierra/Salva Tierra qui a fait du saumon son emblème, tenait samedi matin, à Navarrenx, sa dixième assemblée générale qui a été marquée par le triste constat de la raréfaction des remontées de saumons qui a entraîné la fermeture de sa pêche.
Mais pointent aussi des lueurs d'espoir pour le retour à une situation normale. Le combat s'organise et va s'intensifier. Les militants de la pêche de loisir continuent encore et toujours à se battre face au pouvoir politique dont l'inaction et le déni, manifestés ces dernières années, ne manquent pas d'interroger.
"Nous sommes les gaulois qui font de la résistance, nous sommes les indiens de la plaine" déclara Antoine Domenech qui préside l'association Salmo Tierra/Salva Tierra, solidement épaulé du secrétaire-trésorier Pierre Bernard, et de Pierre Bergès qui préside, par ailleurs, l'AAPPMA du gave d'Oloron. Les cheveux ont blanchi, la relève tarde à se manifester, mais la poignée de dirigeants est toujours très active au sein de Salmo Tierra qui travaille en étroite collaboration avec notamment la SEPANSO 64 et l'AAPPMA du gave d'Oloron.
Antoine Domenech annonça que les actions juridiques engagées avec les partenaires, en 2024 et 2025, ont été toutes gagnées malgré la multiplication des recours. Il en donna la liste : COGEPOMI (action collective avec DMA), port de Bayonne (Salmo, AAPPMA, SEPANSO 64), carrière Daniel à Carresse (action collective avec Salmo et SEPANSO 64), arrêtés de pêche des préfets 40 et 64 (collectif associatif).
Il cita également les deux actions qui sont en cours :
- "Le recours déposé en octobre 2020 contre l'arrêté du règlement particulier de police du port de Bayonne autorisant la pêche professionnelle. Cette action pour laquelle toute la procédure en défense et en réplique est maintenant terminée, devrait légalement obtenir une réponse cette année 2025. Nous demandons une indemnisation de 27 millions d'Euros au titre de la pêche illégale et des préjudices subis".
- "Notre engagement, avec SEPANSO 64, auprès des riverains et partenaires dont l'AAPPMA de la Gaule Aspoise, contre le projet de micro centrale sur le gave du Gabarret".
La situation catastrophe de 2024 aurait pu être évitée si on avait écouté Salmo, AAPPMA et autres associations qui avaient tiré la sonnette d'alarme
La sanction de fermeture signée par les préfets
Tenant compte de la baisse inquiétante des effectifs observée dans l'Adour et les gaves pyrénéens, la pêche du saumon a été suspendue sans attendre dès le mois de juillet 2024.
Après un nouvel examen de la situation fin d'année 2024, le préfet de région et les préfets du 64 et du 40 se sont prononcé pour que toutes les pêches professionnelles ou de loisirs du saumon atlantique soient interdites en 2025 sur l'ensemble du bassin de l'Adour et des gaves pyrénéens.
Cette décision en date du 18 décembre 2024 est également appliquée en mer le long des côtes landaises et basques. Des décrets s'en suivront.
Salmo Tierra insiste sur la situation alarmante : "Comme l'alose et la lamproie, le saumon est sur la liste rouge des espèces menacées au regard de l'effondrement des stocks constaté depuis 2022. Il résulte d'un document de données compilées par MIGRADOUR, que la pêche des professionnels représente 83%(!!!) de toutes les captures qu'elles soient maritimes ou fluviales !"
Les gaves pillés de 13 000 aloses !
D'où l'immense regret de Salmo-Tierra et de l'AAPPPMA, de n'avoir pas été entendus par les instances décisionnaires lorsqu'ils ont tiré la sonnette d'alarme, ces dernières années, avec à l'appui des argumentations solides, des courriers et des communiqués de presse, et en point d'orgue deux manifestations au port de Bayonne (le 30 mai 2019 et le 9 juillet 2022) appuyées par une trentaine d'associations et de nombreux élus arborant l'écharpe tricolore. Ce forcing a été vain. Pourtant les voyants était déjà au rouge. Les pratiquants de la pêche aux loisirs ne comprennent toujours pas pourquoi "le COGEPOMI (1), que préside le préfet de Région, et qui a pour mandat d'inscrire dans la durée une gestion équilibrée des poissons migrateurs, n'a pas voulu interdire, pour des raisons de préservation, la pêche du saumon dans les limites administratives du port de Bayonne où les professionnels effectuent 80 % de leurs captures !" . Si cette décision qui s'imposait avait été prise en temps voulu, on n'en serait pas là aujourd'hui. Il faut le dire !
Pierre Bergès donna un chiffre qui fit dresser les cheveux des personnes présentes : "L'an dernier les professionnels ont capturé dans leurs filets 19 tonnes 1/2 d'aloses". Soit dans les 13 000 spécimens dont les gaves ont été privés !
Maintenant, comment redresser la barre ?
Le débat qui a suivi l'assemblée générale a apporté un coin de ciel bleu dans dans le climat morose qui enveloppe les rives des gaves pyrénéens. Pierre Bergès glissa que cette année 2025 était une année de transition et confia que se prépare un projet de rachat total des droits de pêche professionnelle pour un arrêt définitif des filets.
Autre piste pour consolider le stock de saumons : la réouverture d'une salmonerie (une écloserie) à partir de souches du gave, comme c'était le cas dans les années 80.
On parla aussi de renforcement du gardiennage, Patrice Derumaux, vice président de la fédération 64, en charge des migrateurs, apporta des information sur le sujet. La valorisation touristiques des berges du gave avec la remise en service des sentiers longeant le cours d'eau, l'aménagement de pistes cyclables, furent également suggérés.
D'un avis général, si la route du saumon vers les frayères est réouverte (en supprimant les pièges des professionnels à l'embouchure), "ça bougera pour les autres problèmes occasionnés par les stations d'épuration défaillantes, les pollutions agricoles, les franchissements des barrages..."
"Je sens qu'on change d'époque, un nouveau cycle s'ouvre" constate Antoine Domenech.
Le président de Salmo Tierra veut que les Gaves, les Nives et l'Adour retrouvent leurs lettres de noblesse : "La pêche sportive des poissons migrateurs : saumons, aloses, truites de mers, peut à elle seule booster l'économie de nos vallées pour en faire une destination touristique mondiale". Il ajouta : "Nos partenaires et voisins européens l'ont bien compris, là où les rivières sont libres de circulation pour les saumons et les truites de mer, la vitalité économique est assurée". Et il conclut en rappelant ce que le magazine Pêche Mouche de l'été 2009 a écrit : "Le gave d'Oloron est tout simplement l'une des plus belles et plus riches rivières de la planète".
J.S.
(1) Il a été également rappelé que le COGEPOMI a vu son plan (PLAGEPOMI) annulé le 27/03/2023 au tribunal administratif de Bordeaux, pour les motifs suivants : "constats biaisés, pas de calendrier de régulation...)
Les divers points qui furent débattus
- Le problème des filets professionnels dans l'estuaire et en mer
- La nécessité de mise en oeuvre des mesures de protection efficaces pour les poissons migrateurs classés « espèces menacées » comme la lamproie, l’alose et le saumon : la suppression définitive de toute pêche aux filets et engins est la première décision urgente que les autorités doivent prendre. Rappel du pillage de 2024 : plus de 1000 saumons et 19 tonnes d’aloses « pêchés » aux filets dans l’estuaire de l’Adour
- Les limites de conservation pas toujours respectées comme sur le bassin de l’Adour avec des calculs et chiffrages biaisés par le Cogepomi depuis 5 années.
- L’intérêt de cette 1ère année de fermeture totale des pêches afin de permettre un réel bilan des remontées
- La nécessité d’une écloserie et d’alevinages Béarnais gérés par les Fédération Départementeale et AAPPMA … dès la suppression définitive des filets. L’expérience sur le gave de Pau est plutôt positive. Des contacts sont en cours sur d’éventuelles expériences menées en Espagne sur la Bidassoa.
- La nécessité de développer une garderie beaucoup plus opérante (aujourd’hui seulement 2 gardes Fédération Départementale et 2 gardes AAPPMA), les agents de l’OFB n’assurant pas de garderie.
- La nécessité de protéger et favoriser les montaisons en adaptant et entretenant les ouvrages barrant la rivière comme le barrage de Masseys toujours problématique avec son déversoir faisant faussement appel d’eau et causant blessures, maladies et donc mortalité
- La nécessité de promouvoir et développer un tourisme pêche dans le Béarn des Gaves qui ne reçoit aucun soutien politique ni financier du Conseil Général comme c'est le cas pour le littoral atlantique et les stations de ski.
Les objectifs de Salmo Tierra/Salva Tierra
- Restaurer la totale libre circulation des poissons migrateurs et obtenir la fin de la pêche aux filets dérivants dans le bassin versant de l'Adour et sur l'ensemble des bassins versants de la façade atlantique.
- Protéger, restaurer et reconquérir l'environnement très dégradé du bassin de l'Adour en défendant ses territoires et ses cours d'eau contre toute forme d'atteinte et de nuisance qui affecterait la qualité de l'eau et de la vie aquatique, entraverait la continuité écologique, dénaturerait les écosystèmes, défigurerait les équilibres naturels et pillerait les ressources.
https://salmotierra-salvatierra.com/
contact@salmotierra-salvatierra.com
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Dimanche 23 mars, assemblée générale de l'AAPPMA du gave d'Oloron
L'AAPPMA du gave d'Oloron tiendra son assemblée général annuelle le dimanche 23 mars 2025, à 9 heures, à la salle communale d'Auterrive.
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RETROSPECTIVE :
Retour sur les manifs au port de Bayonne (mai 2019 et juillet 2022)