A Navarrenx, du grain à moudre pour réhabiliter le site de la minoterie
A l'abandon, et même parfois squatté, depuis des dizaines d'années, le site de l'ancienne minoterie Masseys s'apprête a reprendre vie sous la forme d'un projet pilote qui s'inscrit dans une démarche innovante qui pourrait faire école.
Fin mai dernier, les trois grands corps de bâtiment du 19e siècle, qui font partie intégrante de l'histoire et du patrimoine de la cité des remparts, ont été achetés par Pierre Meauzé et sa compagne Delphine Saint-Quentin (SCI BAILKO) déjà porteurs d'un éco-lieu (avec gouvernance partagée) à Bardos.
Le jeune couple a eu un coup de coeur pour ces friches en bord de gave. "Un lieu magique" qu'il a découvert sur les conseils éclairés et l'accompagnement d'Anna et Julien Chavepayre, du collectif "Encore" (cabinet d'architecture et paysage) installé à la Tannerie d'Auterrive, et qui, en France et à l'étranger, est une référence dans l'habitat écologique et économe.
Les trois bâtisses (minoterie, silo, écuries), "qui ont une qualité de construction qu'on serait incapable de reproduire aujourd'hui", représentent une surface totale de 1900m2 au sol sur un terrain de 8500 m2.
Voici le projet tel qu'il a été défini : La minoterie sera transformée en un site multi-activités appelé également "tiers-lieu". Le silo et les écuries accueilleront 14 logements participatifs dont la moitié à caractère social.
"La maison des possibles"
La minoterie est donc appelée à devenir un espace public multi-activités. Ce grand bâtiment dont l'imposante façade donne sur le gave, "avec ses charpentes en bois, son agencement et ses contraintes inhérentes à sa fonction passée" est difficilement exploitable pour être transformé en logements répondant aux normes d'aujourd'hui. En revanche il présente de larges espaces sur 3 niveaux qui pourraient accueillir, par exemple, des rencontres, expositions, des jeux intergénérationnels, des activités pour les 15-20 ans (ça manque sur Navarrenx), des résidences d'artistes, un espace coworking (formule de location flexible avec équipements de bureaux), un café associatif... Ce sont des pistes. Rien n'est figé, les associations sont consultées, les porteurs de projets sont invités à se manifester (1). "On tend l'oreille pour répondre aux besoins et aux initiatives qui s'exprimeront, nous voulons créer une dynamique en lien avec la mairie" précise le porteur du projet.
Dans un premier temps, le changement des menuiseries va être rapidement lancé. La minoterie deviendrait, dès 2023, ce que Pierre Meauzé appelle "la maison des possibles". Les installations de l'activité de meunerie, resteront dans le décor, sur les comptoirs pourront être posés les ordinateurs ou autres équipements.
Un habitat du vivre ensemble
12 logements dans le silo et 5 dans les écuries, soit 17 logements au total sont programmés dans une formule d'habitat participatif et écologique, autrement dit avec des parties collectives et la volonté de mutualiser au maximum. Pourraient être mis en commun un espace buanderie, les jardins, un atelier, des garages... avec, pourquoi pas, une voiture partagée. Un petit espace restaurant (maximum de 20 couverts) est envisagé. La ligne directive est de favoriser "le vivre ensemble, le vivre autrement, l'accueil".
Le silo qui se dresse entre la minoterie et l'écurie, est un imposant bâtiment sur 4 niveau. Des ouvertures seront créées. Le rez-de-chaussée, avec ses magnifiques voûtes de pierres, sera un espace partagé, tout comme le dernier étage, sous la très belle charpente de style Eiffel, où sera aménagée une terrasse de 250 m2 donnant sur la rivière avec, à l'horizon, une belle vue sur les Pyrénées. Le deuxième et troisième niveau accueilleront des appartements.
837 000 € du Fonds Friches
Des dossiers ont été constitués pour participer à plusieurs AAP (appel à projets). Des démarches complexes bâties par le couple de promoteurs et le cabinet d'architectes qui ont conjugué leurs talents et leur esprit créatif.
C'est ainsi que 837 000 € ont été obtenus de l'Etat, dans le cadre du Fonds pour le recyclage des Friches ; la Région a abondé à hauteur de 90 000 € pour favoriser l'émergence de ce type de lieu innovant adapté aux besoins de la population.
Le projet est également lauréat de l'AMI (Appel à Manifestation d'Intérêt) pour son engagement dans la qualité du logement de demain. Il s'agit d'une aide d'accompagnement technique et de soutien dans la réflexion sur l'habitat participatif.
D'autres demandes de subventions, pour les logements, sont en cours de validation. Fonds propres et emprunts boucleront le financement.
Vives inquiétudes des riverains
Porté par des privés, ce projet a été accueilli et encouragé par la municipalité de Navarrenx.
Nadine Barthe, maire, Michel Puharré et Henri Cazalet, adjoints au maire, étaient présents, début décembre, aux côtés de la SCI Bailko et du collectif Encore (architectes) pour rencontrer les riverains du quartier Masseys et les représentant du tissus associatif local afin de présenter le projet et échanger. Une cinquantaine de personnes étaient présentes dans la cour de la minoterie.
D'entrée, de vives inquiétudes se sont manifestées. Trois riverains en particulier ont haussé le ton ce qui perturba le début de la rencontre. "Ici, c'est une cuvette, l'accès est difficile, avec ce projet c'est la tranquillité de tout le quartier qui va être mise à mal" s'exclama l'un d'entre eux alors qu'un de ses voisins lança "qu'il n'avait pas de leçons d'écologie à recevoir, et qu'il n'y avait pas la nécessité de construire de nouveaux logements compte tenu qu'il y en a de vacants !" Cela fit réagir Nadine Barthe qui indiqua, "qu'au contraire il y a 100 demandes de logements non pourvues !"
Il fallut toute la diplomatie de l'architecte Anna Chavepayre pour faire baisser la tension et reprendre, avec plans à l'appui, la présentation des projets. Ensuite elle guida les personnes intéressées pour une visite du silo et de la minoterie tandis que Pierre Meauzé, Delphine Saint Quentin et Julien Chavepayre poursuivaient les échanges par petits groupes, tentant de répondre aux doléances exprimées.
Le promoteur Pierre Meauzé que nous avons interrogé après la réunion, s'est voulu rassurant : "Les craintes et les peurs qui ont été exprimées par les riverains sont légitimes. Nous avons entendu leurs besoins de tranquillité et de sécurité qu'il faut, bien sûr, préserver dans le quartier. Ce sont, précisément, des valeurs que nous partageons et que nous portons au sein de ce projet. Nous allons poursuivre les échanges dans un esprit constructif. A chaque problème une solution sera trouvée. Nous avons également noté les envies, les idées et l'enthousiasme que ce nouveau projet fait naître".
Anna Chavepayre abonda dans le même sens, convaincue "que la confiance s'instaurera si tout le monde se parle".
Les habitants de la douzaine de maisons du quartier Masseys seront invités, à une deuxième réunion d'information. Elle aura lieu à la mairie le mardi 17 janvier, de 11 heures à midi.
Jean Sarsiat
(1) La SCI BAILKO et le cabinet d'architecture Encore sont demandeurs de projets émanant du milieu associatif et qui pourraient trouver une place dans le tiers-lieu (multi-activités). Les propositions peuvent être adressées à l'adresse mail : bailko@ecomail.fr
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Dans le silo des logements participatifs
Le dernier étage, sous la charpente de style Eiffel, sera réservé à un espace partagé avec une terrasse de 250 m2 donnant sur le gave qui coule au pied et les Pyrénées en toile de fond
Ci-dessus le rez-de-chaussée du silo, avec ses belles voûtes...
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La minoterie : un espace multi-activités sur les 3 niveaux
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Vue sur le gave et la digue Masseys, depuis les étages de la minoterie
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La réunion de début décembre avec les riverains
Les jeunes promoteurs, Pierre Meauzé et Delphine Saint-Quentin (SCI BAILKO) ont présenté le projet
Anna Chavepayre, du collectif Encore (agence d'architecture) présentant les plans du tiers-lieu (multi-activités) et des logements participatifs
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Le complexe de la minoterie vu depuis la rive gauche du pool Masseys (côté Susmiou)