HISTOIRE. A Orthez, les actions en faveur de Marcq après la Première Guerre mondiale et au début de la Seconde sont tombées dans l'oubli. Pas dans les Ardennes
Après la guerre de 14-18,un large élan de générosité s'est manifesté à Orthez qui avait décidé de devenir la marraine du petit village de Marcq (306 habitants à l'époque), dans les Ardennes. Une initiative prise à la demande des préfets afin que les villes n'ayant pas souffert du conflit viennent en aide aux régions dévastées par la guerre.
En 39-40, la commune de Marcq fut encore traumatisée. Son conseil municipal, au début de l'année 1942, sollicita la cité béarnaise "pour qu'elle aide, à nouveau, sa filleule très éprouvée et dont une partie des habitants n'avait pu regagner les foyers anéantis".
À Orthez plus personne ne se souvient de cette belle histoire d'amitié et de solidarité. En revanche, à Marcq, qui aujourd'hui totalise à peine une centaine d'habitants, plusieurs traces rappellent l'aide apportée par la cité de Fébus. Séverine Lallement, première adjointe au maire, nous a indiqué qu'un tableau du Pont-Vieux est toujours accroché dans la salle du conseil municipal, et que la rue qui traverse de bout en bout le village, porte le nom d'Orthez. C'est justement "la rue d'Orthez" qui a permis, à Jacques Sarthou de découvrir "ce parrainage d'après-guerres". Il nous raconte les circonstances : "Alors que j'étais président de l'office de tourisme d'Orthez, je reçus en décembre 1996 une lettre d'un habitant de Reims, Serge Walrand, qui venait d'acheter une résidence secondaire à Marcq, située... rue d'Orthez. Il me demandait la signification de cette appellation". Jacques Sarthou constatant qu'à Orthez plus personne n'était au courant, échangea une correspondance avec le maire de Marcq et se plongea dans les délibérations du conseil municipal. De son côté, dans les Ardennes, Yves Ménillet a également réalisé un travail d'investigation et publia localement,en 2010, les épisodes de ces liens ayant uni Orthez et Marcq.
La lecture des diverses délibérations municipales traduit, souvent de manière émouvante, les relations qui se sont nouées entre les deux communes, dès le mois d'avril 1920. Y figurent notamment des échanges chaleureux de lettres entre les deux maires, avec du côté des Ardennes des remerciements appuyés en exprimant à plusieurs reprises "des sentiments de gratitude émue et profonde". Après une première subvention et le cadeau d'une œuvre d'art provenant du dinandier Mugaritz, c'est une aide de 5000 francs qui fut votée le 9 février 1921. S'ajouta en juin une rallonge de 2000 francs pour permettre l'achat d'une horloge communale qui coûtait 7000 francs. Le 7 avril 1921, le conseil municipal de Marcq prit connaissance d'une lettre du maire d'Orthez annonçant qu'un "comité de dames" avait déjà recueilli 11000 francs de dons. Les élus ardennais, en guise de reconnaissance, décidèrent que la grand-rue principale s'appellera Orthez. De juin 1921 à novembre 1923 le comité orthézien expédia divers effets indispensables à la vie quotidienne (draps, couvertures, vêtements, sabots). Une souscription fut lancée pour offrir une bibliothèque et des jeux pour les écoliers. En mars 1942 nouveau rapprochement avec le vote au conseil municipal d'Orthez d'un crédit de 5000 F tandis que, pour récolter parmi la population des dons en espèces et en nature, une commission fut constituée réunissant le Dr Lespinasse, Mme Cazenave, MM Sennes, Mesplède, Piqué et Sault. Par ailleurs, des caisses de linge et de vaisselle furent envoyées par les Orthéziens, ainsi que du crin végétal pour les literies.
En retour, pour marquer sa reconnaissance, Marcq renvoya l'ascenseur en avril 1930. Apprenant que des inondations avaient provoqué des ravages dans 12 départements du midi, "la population du village qui compte 306 habitants a voulu apporter "son offrande" pour soulager rapidement les sinistrés et participer à l'organiation des secours urgents". Une collecte, "faite après un appel à la générosité de chacun avait produit 1095 francs". L'envoi de cette somme était accompagnée de ces quelques mots du maire ardennais : "J'ose espérer que votre ville, en raison de sa situation, n'a pas souffert de cette épouvantable calamité et n'aura pas lieu d'être secourue pour ce motif. Néanmoins, je suis heureux de vous rendre compte que la population de Marcq a su, dans ces douloureuses circonstances, suivre le bel exemple que la ville d'Orthez lui a donné pendant les premières années qui ont suivi la guerre".
En octobre 1943, le comité d'assistance de Marcq ayant organisé une fête au profit des prisonniers de son village, réserva la somme de 2000 francs pour les prisonniers d'Orthez.
À l'occasion d'un voyage dans les Ardennes, en septembre 1998, Jacques Sarthou fit une halte à Marcq où il fut chaleureusement reçu par le maire de l'époque Daniel Zeimet . Il arpenta la rue d'Orthez et, accueilli à la mairie, il découvrit avec surprise que le tableau représentant le Pont-Vieux était signé "Martin" : "J'en avais les larmes aux yeux. Monsieur Martin fut mon instituteur". Autre séquence émotion lorsque son regard se posa sur 2 chaises. L'ancien professionnel du meuble reconnut la "patte orthézienne". C'est ainsi qu'il apprit qu'en 1941 "une chaise fut offerte, par un industriel d'Orthez, à chaque habitant ainsi qu'à la mairie pour les réunions du conseil municipal". Ces chaises sont la marque d'un savoir-faire et de la réussite de l'industrie orthézienne de l'époque. Le Bois Béarnais devint, en effet, dans les années 60/70, le N°2 des fabricants de chaises en France.
Jean Sarsiat
Jacques Sarthou garde précieusement une bouteille d'eau-de-vie que lui a offerte Daniel Zeimet, maire de Marcq jusqu'en 2008
Témoignage de Jacques Sarthou :
"En septembre 1998 j'entrepris un voyage dans les Ardennes. J'en avais profité pour rencontrer, à Reims, le propriétaire du 20 de la rue d'Orthez, Serge Walrand, qui était directeur d'école. Ce dernier m'avait confié qu'il recherchait auprès de la SNCF les traces de l'envoi des chaises d'Orthez...
"Au cours de ce voyage, effectué à titre privé, je m'étais rendu à Marcq où j'avais rencontré Daniel Zeimet qui, à l'époque, était le maire. Il me reçut très aimablement à la mairie et à son domicile. Je lui remis une lettre de René Ricarrère, alors maire d'Orthez, ainsi que deux bouteilles de vin de Moncade. Lui-même me fit cadeau d'une bouteille d'eau-de-vie de cerise, de sa fabrication, que je garde précieusement. Au cours de cette visite j'ai pu voir l'horloge achetée avec les dons adressés par la ville d'Orthez. Elle ne fonctionnait pas à ce moment-là. Depuis elle a été réparée. Elle sonne merveilleusement les heures, les demis et les quarts, m'avait dit Serge Walrand."