Le Tribunal administratif de Pau, le Tribunal administratif de Bordeaux et le tribunal correctionnel de Bayonne ont tranché. La pêche professionnelle est interdite dans le port de Bayonne. Elle n'avait, d'ailleurs, jamais été autorisée. Elle se pratiquait dans la totale illégalité. Les tribunaux l'ont dit.
Et maintenant ?
"La recherche d'un compromis après la chose jugée, sur le partage de la ressource serait une forfaiture !" a déclaré, haut et fort, Antoine Domenech, président de l'association Salmo Tierra qui tenait son assemblée générale annuelle, dimanche, à la mairie de Sauveterre-de-Béarn. Il tira la sonnette d'alarme en dénonçant le danger qui semble se poindre : "Vous ne l'ignorez pas. En coulisse les oppositions s'agitent. La vieille politique et ses aficionados, sur fond de clientélisme, sont à la recherche d'un statu quo. Ils démarchent des partenaires auprès de certains de nos représentants pour tenter de légitimer un deal foireux..." Mais, comme l'ont souligné des membres de l'AAPPMA sur les réseaux sociaux : "Sur le gave d'Oloron tout comme à la fédération départementale, les conseils d'administrations n'ont donné mandat à personne pour discuter d'un quelconque compromis !" Voilà qui est clair. Mais la vigilance reste de mise. Diverses tentatives évoluent en eau trouble. Antoine Domenech s'étonne notamment "que certains, pour contourner la justice, veulent faire appel à la prétendue expertise du COGEPOMI (Comité de Gestion des Poissons Migrateurs), une institution subvertie et détournée de son objet avec la complaisance des représentants de l'Etat et des administrations." Et d'expliquer : "Le COGEPOMI pourtant compétent est resté muet sur la question de la pêche dans le port de Bayonne, sur les captures structurelles de milliers de salmonidés en mer." (1)
L'ouverture de la pêche 2020 va se faire sans la présence des filets dérivants dans les 7,2 km du port de Bayonne. Il pourront être déployés plus haut, sur presque 20 km, entre le pont Grenet et le pont d'Urt où l'activité est plus aléatoire, avec un lit de l'Adour beaucoup plus large et qui ne bénéficie pas de nettoyages par des opérations de dragages.
Pour enfoncer le clou, Jacques Louvigné, membre du bureau de Salmo Tierra, insista sur le piège que constitue le port de Bayonne. Il mit en avant les éléments d'une étude de l'IFREMER, datée de 2011, qui confirme l'existence d'une zone hypersensible : "Le saumon qui cherche à remonter vers la rivière où il est né, pour se reproduire, longe la côte, de Contis à Bayonne/Biarritz, guidé par son odorat. Dès qu'il a trouvé l'entrée de l'estuaire, il rentre dans le port ou il tourne, fait du yoyo, avant de déterminer si c'est la bonne voie pour s'engager dans la remontée en direction des gaves. La zone du port constitue ainsi un terrain d'action idéal pour une pêche professionnelle facile et donc massive."
Par ailleurs, lors de cette assemblée générale, les responsables de Salmo Tierra développèrent devant les pêcheurs, les arguments exposés à l'occasion de la conférence de presse du 4 février à Anglet (voir la copie du compte rendu à la fin de ce reportage).
Ils insistèrent sur la biodiversité et plus particulièrement le saumon :
"La préfète de Région et le président de Région sont responsables de la biodiversité et donc à même d'interdire le pillage de la ressource en poissons migrateurs, dont certaines espèces en voie d'extinction, dans le port de Bayonne et partout sur le fleuve. Pour mémoire :
- "La grande alose en danger critique de disparition (plus de 16 tonnes de prises ont été déclarées par les pros en 2019).
- "La lamproie dont les effectifs chutent drastiquement.
- "Le saumon lui aussi en grand danger. L'Etat français a déclaré que "le saumon pyrénéen est menacé d'extinction totale".
- "La pibale objet de toutes dérogations et des trafics les plus lucratifs.
- "Le saumon atlantique, espèce en danger d'extinction partout dans le monde où il est encore recensé, nécessite de toute urgence une réelle très volontaire politique de préservation."
Conclusion d'Antoine Domenech : "A ce titre la pêche professionnelle aux filets dérivant devrait être définitivement interdite dans le bassin versant de l'Adour et sur l'ensemble des bassins versants de la façade atlantique !"
Il rappela que Salmo Tierra milite également "pour protéger, restaurer et reconquérir l'environnement très dégradé du bassin versant de l'Adour et ce pour une qualité de l'eau et une vie aquatique optimales."
Jacques Louvigné propose des conférences
Salmo Tierra propose des conférences, sur la fabuleuse histoire du saumon. C'est Jacques Louvigné qui en est chargé. Il a préparé 70 diapos qui illustrent ses propos. Au programme : le cycle de vie de ce grand migrateur et son histoire dans le bassin de l'Adour et des gaves.
Les associations ou écoles, collèges et lycées intéressés sont invités à se manifester auprès de Jacques Louvigné : téléphone 05 59 37 00 68 ; jacques.louvigne@wanadoo.fr.
J.S.
(1) A lire : https://salmotierra-salvatierra.com/cogepomi-et-ifremer-au-service-de-la-peche-professionnelle/?fbclid=IwAR1ww3iDnYXL34n8cjcrSFKaKvlb9Z_lwJH2PiUs12u7VouAC7x348jMGiE
Bon à savoir
Port de Bayonne. Il s'étend dans l'estuaire de l'Adour, sur le communes de Bayonne, Anglet et Le Boucau (Pyrénées-Atlantiques), et Tarnos (Landes). Il est long de 7,2 km.
Depuis le 1° août 2006, l'Etat en a transféré la propriété au Conseil Régional avec les compétences d'aménagement, d'entretien et de gestion, pour un développement qui s'inscrit dans une démarche de préservation de l'environnement.
Filets dérivants. Cette pêche était pratiquée dans le port de Bayonne par une dizaine de professionnels. On estime que, sur l'Adour, 80% des captures par les filets dérivants étaient réalisées dans l'enceinte du port.
RAPPEL : L'entente cordiale lancée sous l'impulsion de l'AAPPMA
Il y a un an, nous relations la large mobilisation dans les vallées des gaves. Elle avait été amorcée par la commission "migrateurs" de l'AAPPMA du gave d'Oloron. Cette dernière avait alerté associations, élus, professionnels du tourisme, en constituant un épais et solide dossier pour démontrer le potentiel économique de la pêche sportive du saumon, et pour dénoncer (preuves à l'appui) le scandale des filets dérivants. Un dossier qui est le fruit de 4 années de travail.
Sollicités par l'AAPPMA, 250 communes et communautés de communes ainsi que le Pays de Béarn ont voté une délibération. Députés, sénateurs, conseillers régionaux et départementaux des vallées des gaves avaient également apporté leur soutien, de même que les associations Salmo Tierra, Sépanso 64 et 40, le Sigom de Soule, ANPERS-TOS, le club mouche de l'Allier, l'association nationale des Guides Pêche, le club des saumoniers, l'association des hôteliers et restaurateurs, les campings et magasins d'articles de pêche, l'association des Gîtes et chambres d'hôtes, les associations d'artisans et de commerçants etc etc. Bien évidemment les Fédérations de pêche et les AAPPMA des Pyrénées-Atlantiques, des Hautes-Pyrénées et des Landes, étaient également dans le coup.
Le mouvement s'est progressivement élargi et a abouti à une lame de fond qui a déferlé, pacifiquement, le long de l'estuaire de l'Adour, à hauteur du port. C'était le jeudi 30 mai 2019. Ce fut une marche organisée dans le calme, avec banderoles et prises de paroles, qui réunissait, au premier rang, de nombreux élus ceints de l'écharpe tricolore. Un moment historique !